Comment devenir artiste à son compte et déclarer son activité à l’URSSAF ?

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Mathias Savary

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« Beaucoup de gens pensent que les artistes et vivent d’amour et d’eau fraîche. La question du statut vient parfois cruellement rappeler l’artiste à la réalité. Mais elle rappelle aussi la société à ce que c’est, vraiment, qu’avoir un travail d’artiste. »

marina chiche violoniste artiste indépendant

Pour comprendre la gestion d’une activité artistique, et comprendre comment, en tant qu’artiste indépendant, se déclarer à l’URSAFF, nous avons interviewé Marina Chiche.

Marina est violoniste soliste. Elle s’est produite dans les plus grandes salles de concert comme le Théâtre des Champs-Élysées à Paris, la Philharmonie de Berlin ou le National Concert Hall de Pékin. Elle a notamment reçu les « Victoires de la Musique Classique » 2004 & 2005 et le prix « New Talent » European Broadcasting Union compétition.

Elle anime son émission sur France musique « Vous avez dit classique, Chiche ! ». Elle est également chroniqueuse sur France inter. 

Infatigable, elle a récemment ajouté une nouvelle conquête avec l’écriture d’un livre sur les « Musiciennes de légende, de l’ombre à la lumière ». 

Elle nous partage son expérience du statut d’artiste indépendant.

Voici le plan de l’article :

1) Devenir artiste à son compte : avec quel statut ?
2) Comment gérer son activité artistique ?
3) Allier le statut d’artiste et celui d’indépendant

1) Devenir artiste à son compte : avec quel statut ?

« C’est compliqué de trouver le statut qui convient. Quand on dit artiste, c’est un mot très large, qui recouvre beaucoup de réalités différentes. Si on est musicien, comédien, peintre, il n’y a pas le même quotidien. Et en même temps, il y a des points communs. » 

La question du statut de l’artiste réside d’abord dans la nécessité d’être indépendant, ce qui comprend aussi l’indépendance financière.

Qu’est-ce qu’un artiste libre ?

La liberté est absolument essentielle pour pouvoir évoluer en tant qu’artiste. Que ce soit dans la création ou dans l’interprétation. 

C’est le moteur.

« Pour développer ce qu’on a à dire, on a besoin d’une grande technique qui demande de la rigueur, de la discipline, de l’organisation. Mais in fine, ce qui porte c’est atteindre un stade de liberté. La liberté, c’est un de mes mots clés. »

Mais en même temps, c’est paradoxal de trouver la liberté en rentrant dans un statut. Comme si on rentrait dans des cases.

Quel statut pour un artiste indépendant ?

Pour le spectacle vivant, il y a l’intermittence. 

C’est une spécificité française. C’est une grande chance pour les artistes. Comparé à des pays où c’est sans filet comme aux États-Unis ou en Angleterre, on l’a vu lors de la crise du Covid, c’est positif. Et en même temps, ce statut est problématique.

« Il n’est pas sur mesure à chaque discipline. Il recouvre des réalités différentes. Des techniciens (pour les lumières ou la sonorisation) sont sous le même statut que des musiciens indépendants qui jouent dans des orchestres indépendants et touchent des cachets ou des musiciens solistes qui n’ont pas le même rythme de concert, ou des comédiens qui vont tourner 30 dates en 30 jours. » 

La complexité vient du fait qu’il faut comptabiliser un certain nombre d’heures pour obtenir le statut d’intermittent. On peut parfois arriver à des impasses administratives.

« Par exemple, pour moi en tant que violoniste soliste, le statut d’intermittent n’est pas facile à obtenir. C’est plus facile pour un musicien qui va se produire régulièrement dans des orchestres indépendants. »

La comptabilité de l’intermittence, c’est un ratio entre du temps de travail qui va être reconnu et le cachet que l’on obtient.

Prenons un exemple. Si un musicien est engagé comme violoniste sur un projet dans l’orchestre, il sera rémunéré 500 € pour deux services de 3 heures (les répétitions). Il est dans l’orchestre et joue avec le groupe. Il n’est pas mis en avant. 

L’intermittence va repérer qu’il a fait 6h de répétition. Il est payé 500 €. ça fait un gros volume horaire, tout va bien. Souvent il y a 3 jours de répétition et puis le jour du concert, on a une répétition générale et le concert. 

Ça fait 7 cachets de répétition et un cachet de représentation.

Quand on est un musicien soliste, on vient répéter la veille du concert. On va faire une ou deux répétitions et la représentation. 

« On est mieux payé, mais en fait ce qui se passe, c’est qu’on a un faible volume horaire et on est trop bien payé pour un cachet. Donc ils vont te mettre en carence. Vous gagnez trop en peu de temps. » 

Il y a une injustice structurelle.

« L’intermittence est très pertinente pour les éclairagistes ou même les musiciens indépendants. Mais quand on est soliste, le ratio horaire est mal traduit dans ce système. Et on va devoir jongler pour arriver à générer assez de volume horaire et à répartir l’argent que l’on gagne. »

Pour compenser cette difficulté, Marina Chiche passe par une boîte de production qui va déplier son cachet. Elle va générer une meilleure reconnaissance de ses heures de répétition.

Cette maison de production permet à Marina de convertir ses contrats en un contrat de cession avec les programmateurs du concert.

Un contrat de cession et d’édition d’une œuvre musicale est un contrat qui se conclut entre un auteur-compositeur et un éditeur musical. Ça signifie que l’auteur-compositeur cède une partie de ses droits d’auteur à un éditeur musical, la plupart du temps pour qu’il l’aide à diffuser au maximum son travail.

Grâce à ce dispositif, la boîte de production peut déplier les cachets de Marina et elle peut faire valoir plus de cachets de répétition.

« Il faut trouver des stratégies pour coller au statut dans le cadre légal tout en faisant valoir son travail. Mais j’ai des collègues solistes qui n’arrivent pas à obtenir le statut d’intermittent. »

Le statut d’auto-entrepreneur pour les artistes

L’autre option est d’adopter un statut d’indépendant pur et devenir auto-entrepreneur, pour pouvoir générer des factures. Et ce n’est pas toujours très adapté. Pendant le COVID les aides pour les indépendants ont été un angle mort.

L’autre solution, c’est de développer des activités de support pour pallier aux défaillances de l’intermittence.

« Le fait de faire de la radio, d’être engagé comme chroniqueuse à la radio ou avec l’émission que j’animais, ça marchait avec l’intermittence. Donc ça m’a généré du volume horaire. »

Mais Marina a aussi un statut auto-entrepreneur qu’elle déclare à l’URSSAF. Elle s’en sert pour des activités qui ne sont pas artistiques : en tant que conférencière ou intervenante dans les entreprises.  

« J’ai une certaine agilité entre l’intermittence, le statut d’auto-entrepreneur et l’aide de cette boîte de production qui propose des contrats de cession. »

Pour la rédaction de son livre, « Musicienne de Légende », elle a acquis un nouveau statut : elle est rémunérée en droit d’auteur. 

« Les éditions m’ont déclaré des droits d’auteur auprès de l’URSSAF donc j’ai un compte. Et je peux facturer à des gens sous le compte des droits d’auteur. » 

2) Comment gérer son activité artistique ?

Un artiste gérant d’entreprise, c’est un peu comme une chimère. Vous ne pouvez pas mettre ensemble une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent. 

L’artiste indépendant doit pourtant chercher à ressembler à cet animal légendaire.  

« Il y a un énorme enjeu de gestion qui est fastidieux. C’est fastidieux pour moi, car j’ai dû déconstruire d’énormes tabous sur l’argent, sur le fait que je suis une artiste. Je ne suis pas une gestionnaire administrative. Mais j’ai compris que je payais un prix très élevé de ne pas m’occuper de ces choses-là. Donc je dois le faire. Je me force. »

Marina y a pourtant trouvé des satisfactions. C’est à ce prix que l’on peut avoir la main sur sa propre liberté. 

« J’ai cette ambivalence de certains entrepreneurs et artistes. J’aimerais ne rien savoir. Et en même temps, je perdais beaucoup, à ne pas savoir. J’étais dépossédé de ce que je faisais. » 

Marina Chiche reconnaît qu’elle a fait un long cheminement. Et qu’elle n’en a pas complètement fini avec les blocages. 

« J’ai eu de grosses prises de conscience. Je n’avais pas compris ce qu’était tel contrat ou tel contrat et je m’étais fait complètement avoir. Parfois, je n’avais pas compris qu’on était en train de négocier un cachet brut au lieu d’un budget employeur. Donc c’était du simple au double. J’avais fait une super négociation, mais au moment de passer au contrat, je me suis auto sabotée. Et au lieu d’avoir un cachet à 4000 € et je me suis retrouvé à 2000 €. »

La formation a été un des moyens de se sortir de l’impasse. 

« J’ai suivi un cours de formation continue à la Philharmonie de Paris qui permet de comprendre des notions de contractualisation. Ça m’a donné des repères fondamentaux. »

L’autre élément, clé, c’était de se défaire de ses blocages. 

« Récemment, j’ai cassé un tabou et j’ai pris une assistante à laquelle je délègue certaines activités. Mais pour l’instant, je n’ai pas réussi à déléguer l’activité administrative pure parce que je ne l’avais pas suffisamment structuré. »

Pour bien déléguer quelque chose, il faut l’avoir maîtrisé soi-même

Elle n’a pas une gestion hebdomadaire cadrée de son activité. Elle s’accorde encore le fait qu’elle est une artiste. Mais elle a ses tableaux Excel, son rythme de déclaration. Elle a structuré sa collecte des contrats, des bulletins de paie, des fiches de congés spectacles et des fiches de facture de l’Urssaf.

« J’ai fait une telle révolution dans ma mentalité. Je suis passé d’une artiste totalement managée par des agents, sans visibilité sur ce que je faisais, pas en mode entrepreneurial. Je me donne le temps aussi. C’est un processus. » 

L’art de la négociation a également été une révélation pour Marina. 

« Ça a été incroyable le passage du “je ne veux rien savoir”, cette souffrance de voir que parfois je suis dévalorisé, et de comprendre que ça passait par arrêter sur ce tabou de l’argent qu’on a en France et doublement quand on est artiste. » 

L’artiste indépendant a lui aussi le droit de se former à la négociation et de devenir un fin négociateur, tout en continuant d’exceller dans son art.

3) Allier le statut d’artiste et celui d’indépendant

Oui, en un sens, l’artiste est un entrepreneur. Il gère lui-même sa propre activité. Il touche certes à des moments de pur esthétisme. Mais il évolue aussi dans une société. Et il ne peut payer ses moyens de subsistance avec des sourires.

Marina Chiche illustre comment, en faisant ce double travail de déconstruction des blocages et de formation, l’artiste peut encore mieux se faire entendre et partager son art. 

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Mathias Savary

Rédacteur @LiveMentor