Comment fonctionne le chômage pour les travailleurs indépendants ?

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Eloi Renaudin

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Que se passe-t-il si un indépendant cesse son activité ? Dispose-t-il d’un filet de sécurité au même titre que les employés ayant un contrat de travail ? Peut-il toucher une indemnisation sous certaines conditions ?  En bref, comment fonctionne le chômage pour les travailleurs indépendants ?

Commençons par rappeler qu’il y a environ trois millions de travailleurs indépendants en France, soit 12 % des gens qui ont un emploi. Les indépendants, ou travailleurs non salariés (TNS), peuvent exercer des professions libérales réglementées, ainsi les architectes, les médecins ou les avocats, être chefs d’entreprise, artistes, artisans, agriculteurs ou encore auto-entrepreneurs.

Contrairement aux fonctionnaires et aux employés du privé, ils ne cotisent pas à l’assurance chômage, et ne peuvent donc pas toucher l’ARE (aide au retour à l’emploi), plus connue sous le nom d’allocation-chômage. Pour autant, ils ne sont pas tout à fait laissés-pour-compte.

S’ils décident sur un coup de tête de renoncer à leur activité, ils n’auront droit à aucune indemnité et n’auront que le revenu de solidarité active, ou RSA, comme dernier recours. 

En revanche, si de bonnes raisons justifient la cessation de leur activité, les travailleurs indépendants pourront prétendre à l’ATI, ou allocation des travailleurs indépendants.

Tâchons donc d’élucider ce dispositif, qui a connu une évolution notable le 1er avril 2022 et voyons s’il existe d’autres moyens de prétendre au chômage lorsqu’on est indépendant.

  • Qui est concerné par l’ATI ?
  • Quelles sont les conditions d’attribution de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) ?
    • Cessation de l’activité
    • Durée de l’activité
    • Revenus d’activité
    • Niveau de ressources
    • Délai de carence
  • Quel est le montant de l’ATI ?
  • Combien de temps l’ATI est-elle versée ?
  • Comment faire une demande d’ATI en pratique ?
  • Comment l’ATI s’articule-t-elle avec les autres revenus ?
    • ATI & ARE
    • ATI & ASS
    • ATI & autres revenus d’activité
  • Que penser des assurances chômage privées ?
  • À défaut d’allocation, tous les demandeurs d’emploi bénéficient de certains avantages.

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Qui est concerné par l’ATI ?

Comme son nom l’indique, cette allocation est destinée aux travailleurs indépendants. Mais qui sont les indépendants, me direz-vous. À quoi je réplique code du travail à l’appui :

« D’après l’article L.5424-24, sont regardés comme travailleurs indépendants :

  • les travailleurs non salariés agricoles ;
  • les travailleurs non salariés non agricoles ;
    • C’est ici que se retrouvent les auto-entrepreneurs !
  • les mandataires d’assurance et les dirigeants de société ;
  • les artistes-auteurs. »

Autrement dit, pour peu que vous soyez non salarié et cessiez votre activité, vous êtes a priori éligible par l’ATI.

Attention toutefois, seules les personnes inscrites à Pôle emploi pourront prétendre au versement de l’ATI.

Quelles sont les conditions d’attribution de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) ?

Se réveiller un matin, dire “J’en ai marre !” et tout plaquer ne suffit malheureusement pas à bénéficier de l’ATI. Sans surprise, certaines conditions doivent être remplies. Vous les retrouverez plus en détail sur le site officiel du dispositif.

À noter : Si la cessation d’activité est antérieure au 1er avril 2022, ce sont les anciennes conditions d’attribution qui s’appliquent. Vous les retrouverez ici.

Cessation de l’activité

La cessation de votre activité doit être motivée, ou par une décision judiciaire, ou par la preuve qu’elle n’était plus viable économiquement.

Le premier cas correspond à deux situations : 

  • la liquidation judiciaire de l’entreprise,
  • votre éviction de la gouvernance à la suite d’un plan de redressement judiciaire.

En pratique, les auto-entrepreneurs ne se retrouvent pas dans ces situations. Ils étaient donc exclus d’office de ce dispositif, jusqu’à ce qu’une nouvelle condition, concernant la viabilité économique de l’activité, ait été ajoutée récemment.

Depuis le 1er avril 2022, il est également possible de prétendre à l’ATI si l’on peut justifier d’une perte de 30 % des ses revenus déclarés d’une année sur l’autre.

Attention : La baisse de revenu doit être attestée par un tiers de confiance (expert-comptable, notaire, avocat, etc.)

Conseil aux auto-entrepreneurs : Si vous cessez votre activité, lisez cet article pour faire les choses dans les règles de l’art.

Durée de l’activité

Pour prétendre à l’ATI, vous devez avoir exercé votre activité durant deux années sans interruption au sein d’une seule et même entreprise. 

Bon à savoir : Les deux années prises en compte sont celles qui précèdent immédiatement la date de cessation de l’activité.

Revenus d’activité

Par ailleurs, vous devez avoir perçu au moins 10 000 € au cours de l’une des deux dernières années civiles précédant l’année de cessation de l’activité. 

Bon à savoir : Seuls les revenus perçus au titre de l’activité non salariée qui a cessé sont pris en compte.

Niveau de ressources 

Vos ressources mensuelles ne doivent pas dépasser le montant du RSA.

De quelles ressources parle-t-on ?

  • de celles reçues au cours des 12 mois précédant la demande d’allocation ;
  • de celles déclarées à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Quelles ressources ne sont pas prises en compte ?

  • Evidemment, les revenus professionnels déclarés au titre de l’activité non salariée pour laquelle la demande d’allocation est déposée ;
  • Les revenus déclarés par les autres membres qui composent le foyer fiscal.

Délai de carence

Si vous avez déjà perçu l’ATI, vous devez attendre un délai de carence de 5 ans avant de pouvoir déposer une nouvelle demande.

Cette condition ne s’applique qu’aux cessations d’activité postérieures au 1er avril 2022.

Quel est le montant de l’ATI ?

L’allocation des travailleurs indépendants est indexée sur les revenus perçus au titre de votre activité non salariée durant les deux années précédant sa cessation. 

Le montant de l’ATI est compris entre 19,73 € et 26,30 € par jour, soit environ 600 à 800 € par mois.

Combien de temps l’ATI est-elle versée ?

6 mois.

Plus exactement, l’ATI est versée pour une durée limitée à 182 jours, non renouvelable.

Comment faire une demande d’ATI en pratique ?

Vous pensez remplir les différentes conditions

La première chose à faire est de vous inscrire à Pôle emploi. Vous avez pour cela 12 mois à compter de la cessation de votre activité.

Après votre inscription, sollicitez votre conseiller pour obtenir un dossier qu’il faudra compléter et renvoyer à Pôle emploi accompagné des pièces justificatives.

Dès lors votre demande sera étudiée et l’allocation vous sera versée si les conditions mentionnées ci-dessus sont effectivement respectées.

Comment l’ATI s’articule-t-elle avec les autres revenus ?

revenus chômage travailleurs indépendants

ATI & ARE

L’allocation des travailleurs indépendants (ATI) et l’aide au retour à l’emploi (ARE) ne se cumulent pas. 

Pour autant, si vous avez la double casquette et que du jour au lendemain vos deux activités cessent – situation exceptionnelle, certes – il se peut que vous ayez à choisir entre les deux allocations.

Si vous êtes éligible aux deux allocations, par défaut l’ARE prime sur l’ATI.

En revanche, si le montant de l’ARE est inférieur à celui de l’ATI, vous pouvez opter pour l’ATI. Idem si la durée de versement de l’ARE est inférieure à celle de l’ATI.

Bon à savoir :  Attention, opter pour l’ATI plutôt que l’ARE est irrévocable. Une fois la décision prise, impossible de changer d’avis.

ATI & ASS

L’allocation des travailleurs indépendants (ATI) ne se cumule pas avec l’allocation spécifique de solidarité (ASS).

Si vous faites une demande d’ATI en bénéficiant déjà de l’ASS et que les conditions d’attribution sont remplies, l’ATI peut vous être versée. Dans ce cas, l’ASS sera suspendue tant que vous touchez l’ATI.

Quand votre droit à l’ATI sera arrivé à échéance, pour peu que vous remplissiez toujours les conditions, le versement du reliquat de votre droit ASS reprendra.

ATI & revenus d’activité professionnelle

Cumul possible !

Si vous exercez une activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non, en cours d’indemnisation au titre de l’ATI, vous pouvez cumuler l’intégralité de la rémunération tirée de cette activité avec l’allocation des travailleurs indépendants.

Ce cumul est possible pendant une période de 3 mois maximum, consécutifs ou non, dans la limite des droits aux allocations restants.

Au-delà de 3 mois, le versement de l’ATI est interrompu.

Que penser des assurances chômage privées ?

L’ATI dérive d’une promesse du candidat Macron faite aux indépendants durant la campagne de 2017. Avant cela, l’assurance chômage était optionnelle pour cette catégorie d’actifs, qui par défaut n’était pas couverts.

Tout indépendant pouvait alors et peut encore souscrire un contrat d’assurance chômage chez la plupart des assureurs.

cotisations assurance chômage privée

Le montant des cotisations, qui dépend de la durée et du montant d’indemnisation souhaités, représente un coût non négligeable, qui explique que beaucoup d’indépendants s’en soient passés jusque-là. 

Règle à connaître : il faut avoir cotisé au moins un an avant la perte de son emploi pour être indemnisé.

Il n’empêche, le montant de l’allocation versée est nettement plus intéressant pour les TNS qui touchent des revenus relativement élevés, puisqu’il est en général compris entre 55 % et 100 % du revenu de référence. La durée d’indemnisation varie de 12 à 24 mois. Possibilité de versement d’un capital dit “de reconversion” plutôt que des mensualités, auprès de certaines compagnies d’assurance (pour les serial entrepreneurs…).

Précisons à toutes fins utiles que l’indemnité ne sera versée qu’en cas de cessation involontaire de l’activité : fusion/absorption, liquidation ou redressement judiciaire, dissolution suite à des contraintes économiques, restructuration, révocation du mandat ou mandat non reconduit…

Souscrire une telle assurance dépendra donc essentiellement du secteur dans lequel vous travaillez et de votre appréciation du risque. Si le marché du travail y est très tendu, une assurance chômage additionnelle n’est sans doute pas indispensable. Si au contraire les places sont chères et précaires, une telle garantie gagne à être considérée.

À défaut d’allocation, tous les demandeurs d’emploi bénéficient de certains avantages

Il faut le dire, ni les conditions d’attribution, ni le montant, ni la durée de versement de l’allocation ne font de l’ATI une solution miracle. Parler de « panacée » serait excessif.

Pour autant, le chômage des indépendants ne se résume pas à cette allocation. Rappelons qu’ils ont des droits, au même titre que tous les demandeurs d’emploi, et peuvent bénéficier de certains avantages. Par exemple, d’une carte de transport en commun à – 75 %, voire gratuite. Cinémas, musées, théâtres, bibliothèques, piscines proposent également des tarifs réduit pour les demandeurs d’emploi, quand ce n’est pas la gratuité pure et simple.

formation des demandeurs d'emploi au chômage

Mais à côté des déplacements ou des loisirs, il faut aussi savoir que Pôle emploi réserve des fonds au financement de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Si vous remplissez certaines conditions, votre région peut aussi vous verser des aides dans ce sens, par un abondement, un défraiement (transport, nourriture, hébergement) et une rémunération le temps que dure la formation.

Cesser une activité qui ne rapportait pas assez ou qui rimait avec ennui, ou même black out, doit être l’occasion de faire ces choses qu’on remettait toujours à plus tard tant qu’on travaillait à temps plein. Il existe même des chanceux pour qui le chômage se change en une période extrêmement active et productive.

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Quoi qu’il en soit, du point de vue financier, si vous n’êtes éligible ni à l’ARE, ni à l’ATI, ni à l’ASS, et que toutes vos sources de revenus sont taries, sachez que toute personne française âgée de plus de 25 ans peut faire une demande de RSA auprès de la CAF.

Conclusion

En 2019, Malt, une plateforme de freelances, a réalisé un sondage auprès de ses usagers pour connaître leur avis sur l’assurance chômage des indépendants, qui constituait l’une des 20 mesures du plan indépendant

Bien que les profils présents sur Malt ne représentent qu’un échantillon (développeurs, graphistes, rédacteurs, etc.) parmi les travailleurs indépendants, l’étude montre qu’ils sont deux-tiers à préférer l’assurance chômage optionnelle à celle obligatoire.

En cause ? Des conditions d’attribution difficiles à remplir, un montant et une durée de versement jugés trop faibles par beaucoup d’entre eux.

Et c’est vrai que 800 € par mois pendant 6 mois, ce n’est pas mirobolant.

Reste les assurances chômage privées. À chacun d’en évaluer l’utilité en fonction de sa situation. 

Un codeur par exemple, qui croule en ce moment sous les commandes et donne satisfaction à ses clients, n’aura pas forcément besoin de se couvrir, assuré qu’il est déjà d’avoir du travail dans les années à venir. Pour un chauffeur Uber, ou un livreur Deliveroo, la question se pose davantage, la suite étant plus incertaine. 

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